Alors que nous sommes au cœur du mois d’août, les grandes surfaces agencent subrepticement leurs rayons « rentrée scolaire » ; dans mon enfance, ce réassortiment avait le don de me flanquer le bourdon ! Encore en vacances du coté de Carthage ou de Salammbô, je combattais ce coup de spleen en pensant aux matières qui me plaisaient et dans lesquelles je me défendais honorablement : essentiellement les matières littéraires notamment la dictée. Dans les années 50, au Lycée Carnot de Tunis – établissement qui proposait un cursus allant de la onzième à la terminale -, les élèves de toutes conditions et de toutes confessions avaient un niveau plus qu’acceptable dans l’exercice de la dictée : les zéros relevaient alors de l’exception, tout le mérite revenant à l’abnégation et à la pédagogie hors pair de nos maîtres. Hélas ,les choses ont bien changé. En quelques décennies, l’exception est passée du zéro pointé au zéro faute ! Bref, nous voici renvoyés à la France du IIIème empire où une bonne part de l’élite du pays avait un niveau en orthographe exécrable ! Une preuve ? Voici déjà un faisceau d’indices contenu dans mon petit article paru il y un an dans Lumières Internationales.
La dictée de Mérimée ou le concours des bonnets d’âne
Paris, 1857 ; l’ancien Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte, devenu par la grâce d’un coup d’État Napoléon III, règne sur la France. Pour égayer les soirées impériales et amuser les inévitables courtisans, l’Impératrice Eugénie fait appel à l’écrivain Prosper Mérimée, réputé pour ses nouvelles, notamment l’une d’entre-elles – Carmen – qui inspirera Georges Bizet, auteur de l’œuvre lyrique du même nom.
L’Impératrice demande à Mérimée de rédiger un court texte et venir le présenter à la cour sous la forme d’une dictée.
Aussi dit, aussitôt fait. Nous voici au Palais des Tuileries ; la voix grave de Mérimée dicte lentement son texte à ses prestigieux élèves : l’Empereur, son épouse, et quelques illustres invités.
Après correction, on obtiendra des résultats stupéfiants : Napoléon III ne commettra pas moins de 75 fautes, l’impératrice, malgré son ascendance espagnole, fera un peu moins mal avec quelque 64 fautes, Alexandre Dumas fils, lui en sera à 24, tandis que l’Ambassadeur d’Autriche-Hongrie, le Prince Richard Klemens von Metternich ne trébuchera que 3 fois…
Pour la petite histoire, il se murmure que pour sauver la face, Alexandre Dumas eut cette sortie assez étonnante : « Prince, qu’attendez-vous pour vous présenter à l’Académie Française pour nous y apprendre l’orthographe ! ».
Alain Camilleri
En scannant le code QR ci-dessous, vous découvrirez la dictée de Mérimée. Bon courage !
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