Bretécher ou la sociologie par le dessin
- Alain Camilleri
- 19 févr.
- 2 min de lecture

Claire Bretécher nous quittait, il y déjà 5 ans ; cette dessinatrice de talent était l’auteure de plus d’une trentaine d’albums parmi lesquels, nous pourrions citer, pêle-mêle : « Agrippine », « Les Frustrés », « Docteur Ventouse, bobologue » ou encore « la vie passionnée de Thérèse d’Avila ». Mais au-delà de ses nombreux albums à succès, pendant presque une décennie, c’était un vrai plaisir de déguster chaque semaine sa page ou sa double page dans le Nouvel Observateur.
L’auteur de ces quelques lignes avouera sincèrement que la lecture de Bretécher passait bien avant l’excellent édito de Jean Daniel !
Après les évènements de mai / juin 68, durant les décennies 70 et 80, son coup de crayon magistral s’accompagnait d’un humour féroce qui ridiculisait joyeusement ceux qui deviendront plus tard les bobos ; ainsi, elle flétrissait les « cadres sup » dit de « gauche » qui, habillés en négligé, hantaient le samedi Habitat, la Fnac ou encore Vitatop ; avec certaines de leurs postures parfois un brin caricatural, les « féministes » de l’époque, elles aussi, en prenaient - gentiment - pour leur grade.
En complément de son talent, source de dessins élégants et épurés, l’une des forces de Claire Bretécher était l’autodérision ; ainsi, parlant de ses qualités de dessinatrice, elle affirmait : « au début d’un album, je me dis ‘’je suis un génie’’ et à la vingtième page, ‘’je suis une merde’’ ! ». Forte de ce trait de caractère, associé à son coup d’œil acéré, Bretécher intégrait les travers, dérives et outrances de notre société et nous les restituait cash !
En la lisant, nous riions souvent jaune car, dans le miroir qu’elle nous tendait, nous nous reconnaissions ! Plus encore que ses alter ego, les Gotlib, Wolinski, Cabu et autre Reiser, la créatrice d’Agrippine nous faisait faire des économies de lecture d’ouvrages de sociologie certes intéressants, mais quelquefois indigestes ! Ainsi, Claire Bretécher anticipait avec justesse les évolutions sociétales : dès 1983, elle publie « les mères », un album dans lequel elle aborde déjà le sujet des mères porteuses.

Comment réagirait Bretécher aujourd’hui face au wokisme, à la montée des populismes, à la flambée continue du racisme et de l’antisémitisme ? Bien sûr, il est difficile de stipuler pour autrui, surtout s’agissant d’une personne disparue, mais, en revanche, par les temps qui courent, celles et ceux qui ont aimé l’œuvre de Bretécher diront sûrement : « Claire, tu nous manques… drôlement ! »
Comments