Ainsi la mission Luna 25 s’est éparpillée façon puzzle sur le sol lunaire. Entendons-nous bien, en matière spatiale, comme dans bien des domaines, un échec peut arriver et permet d’ailleurs de progresser et rebondir. Cependant, cet échec russe revêt un aspect particulier.
Annoncé à son de trompe par les services de communication du Kremlin, cet évènement spatial était conçu comme un véritable outil de propagande. En pleine guerre contre l’Ukraine, ce lancement devait permettre de montrer au monde entier - et particulièrement aux États Unis - que la Russie de Poutine était toujours un acteur majeur de la conquête spatiale et que les sanctions de l’Occident n’entravaient nullement l’industrie de pointe russe. Nous en étions au « même pas mal ! » des cours de récréation. On a vu le résultat…
Cet échec va au-delà d’une opération de communication ratée. Ce bide est symptomatique du mal chronique qui ronge le pays depuis des décennies et qui remonte au régime soviétique. Pour simplifier, restons sur la question spatiale : si l’on fait un retro travelling sur l’un des aspects les plus médiatisés de la guerre froide, à savoir la lutte entre l’URSS et les USA pour la conquête de l’espace, on remarque qu’après un départ canon marqué par les succès de Spoutnik et de Gagarine, l’avance soviétique s’est brusquement réduite pour se transformer ensuite en retard irrémédiable pour conquérir la lune. La raison de ce coup d’arrêt est simple : l’URSS possédait certes des savants, des astrophysiciens et des ingénieurs de premier rang ; mais, en raison d’un système économique aberrant, l’État était lourdement handicapé par un immense déficit de financement pour élaborer des technologies de pointe notamment en électronique et informatique.
Aujourd’hui, en dépit de l’effondrement du régime soviétique, la Russie souffre des mêmes maux auxquels il convient de rajouter une corruption généralisée qui gangrène toute l’économie. Au fil des innombrables reportages couvrant la guerre en Ukraine, des centaines de millions de téléspectateurs ont appris, stupéfaits, que pour le guidage et les systèmes de visées des chars d’assaut, les responsables russes utilisaient des micro-processeurs et des composants électroniques prélevés sur des machines à laver d’importation ! Plus d’un demi-siècle après la marche historique de Neil Armstrong qui acta la défaite soviétique dans la course à l’espace, on en est toujours là.
Faute de pouvoir dire « Russia is back to the moon ! », on se contentera de fredonner « Back in the USSR ! »
Alain Camilleri
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