Bonjour,
Te souviens-tu de moi ? Nous avons été amis, du moins l`ai-je cru durant plus d`une décade en France. Nous avions pour habitude de nous téléphoner tous les jours. Nous parlions décoration, cuisine, littérature. Nous mangions ensemble au moins une fois par semaine toujours curieux des nouvelles recettes cosmopolites que tu partageais avec toute notre bande. Tu organisais des apéros culturels à thèmes dans le patio de votre maison ou des pique-niques au bord de la rivière. Nous y buvions le « punch qui tue » soigneusement et finement préparé par l`un de nos amis commun.
On partageait nos projets, nos rêves. On s`entraidait.
Et puis, un jour, j`ai quitté la région où nous vivions.
Bien sûr, nous sommes restés en contact régulier encore plusieurs années, les rencontres en moins.
Et puis, un jour, je t`ai annoncé mon intention de quitter l`Europe pour réaliser le vœu de ma vie, immigrer en Israël. Apres avoir vécu dans 8 pays et 3 régions de France, il était temps que je pose enfin mes valises. Une promesse d`adolescent.
Tu n`as rien dit d`autre que : « si c`est ce que tu veux, c`est bien. »
Nous nous sommes revus une dernière fois chez toi autour d`un poulet au chocolat, une recette mexicaine que j`avais découverte. Tu m`as montré les infos que tu compilais en vue d`un voyage à venir en Israël, mais après être passée par la Jordanie.
Nous nous sommes encore retrouvés à la gare de Lyon à Paris, une dernière fois, au buffet de la gare. Tu venais de rentrer du Japon ; ta nouvelle passion. Tu m`as offert un porte-carte de visite, pour y compiler mon nouveau réseau à venir. J`ai apprécié.
Nous nous sommes embrassés chaleureusement et avons fait nos adieux. Nous ne nous sommes jamais revus depuis ce moment-là.
Evidement qu`une fois arrivés à destination, nous nous téléphonions régulièrement. Je partageais sur les difficultés de la langue hébraïque et mes cours quotidiens, mon installation avec mon ami.
Et puis, 2 ans après, il y a eu la guerre.
Des alertes ont résonné sur Tel-Aviv.
Ton silence m`a surpris. Je m`étonnais que tu n`aies pris de mes nouvelles, savoir si j`allais bien et si j`étais en sécurité.
Le silence est devenu lourd.
Tu es une personne intelligente, instruite, cultivée, ayant fait de hautes études.
Et puis m`est venu l`idée et l`envie de publier un article comme je le faisais souvent alors sur différents blogs. J`y interpellais toutes mes connaissances et amis restés dans le silence de moi et dans l`indifférence de mon devenir. Je concluais le texte par : « et si jamais l`Iran nous envoie sa bombe atomique, j`espère que ceux qui m`ont oublié ces jours, se souviendront qu`ils avaient un ami un temps ici ! »
Naturellement je t`ai envoyé l`article comme je l`ai fait à tout mon réseau et dont tu as toujours fait partie des récipiendaires.
Et là, en retour de courriel, j`ai réceptionné une vraie bombe en fait ! Tu me parlais de mes choix qui te déplaisaient : « quand tu as décidé d`aller vivre dans TON pays, je n`ai rien dit ! J`espère que du fond de ton ghetto, tu te souviendras de la grenade que ton pays a dégoupillée. J`ai toujours milité pour les palestiniens ! ». Que tu soutiennes la cause palestinienne fait partie de ta liberté, mais pourquoi par la haine et le rejet ? Au point que même citer Israël allait t`arracher la bouche !
J`en passe et de meilleures…
J`ai pris quelques jours pour encaisser l`uppercut, lisant et relisant le document, tant je ne pouvais croire ce que mes yeux me renvoyaient.
Et pourtant cela l`était bien ! Aussi t`ai-je répondu.
J`ai repris mot pour mot tes propos et l`effet miroir qu`avait généré les miens.
Je n`ai même pas refermé la porte. J`ai conclus en précisant que la porte pourrait s`ouvrir si tu t`excusais. Tu n`as jamais répondu, évidement !
13 années ont passé depuis et 405 jours depuis le 07/10.
Tu ne t`es bien sûr pas inquiétée de moi.
Je t`imagine en bonne bobo ayant voté allègrement pour LFI, allant manifester le plus possible avec tes copains de gauche dans les manifs soi-disant propalestiniennes, mais surtout antisionistes et judéophobes. Tu dois même porter le keffieh que tu t`est offerte en Syrie…
Tu dois toujours être assidue au Monde et à Libé. Caron est-il peut-être même devenu ton modèle à suivre ?
Qui sait ? Peut-être as-tu même arraché des photos de nos otages dont Kfir et Ariel.
Rien ne m`étonnerais plus en fait.
C`est désolant, c`est affligeant, c`est révulsant, c`est écœurant !
Toi qui aimes voyager, peut-être es-tu retournée en Jordanie, en Syrie, au Myanmar et j`en passe. Peut-être as-tu même été en Iran. Après tout, tu aimes bien visiter les dictatures – par souci culturel disais-tu – sans tenir compte des régimes en place, ni des peuples…
J`ai écrit cela aujourd`hui parce que ton souvenir m`est remonté en ma mémoire, que sur le coup je me suis demandé si j`allais t`écrire directement, ce que je ne ferai pas, préférant la voie que j`ai choisi ici.
Mais cela m`a fait repenser à tous les fantômes de ma vie, tous ceux qui ont détourné leur face depuis 13 ans, les uns après les autres, justifiant qu`un bon juif est un juif mort, me reprochant de nous défendre avec le Dôme de Fer, mais aussi sans oublier ceux qui sont restés et que j`aime éperdument.
Nous avons été attaqués déjà deux fois par l`Iran ; tant pis eux, tant pis pour toi et les tiens.
Soudain, je me souviens de ton mari de retour d`un voyage express en Israël, et qui, de passage chez moi m`a dit : « mais tous ces religieux en noir à Jérusalem, c`est de la provocation pour les arabes, quand même ! ils sont chez eux ».
Quand on en est là…
En fait j`ai découvert ta fausse amitié en 2011, mais saches que nous vivons, que nous vivrons en dépit des alertes et des attaques iraniennes.
Nous sommes des dizaines de milliers d`Israéliens et de Juifs à avoir vécu cette histoire ces dernières années, hélas…
Je doute que chez toi vous dansiez encore longtemps, ou si vous le faites malgré tout depuis 400 jours, vous allez bientôt déchanter. Ce n`est pas faute de te l`avoir dit même avant de quitter notre région. Il aurait juste fallu que tu sortes de tes convictions idéologiques, mais peut-être est-ce trop te demander…
J`espère néanmoins que tu ouvriras les yeux un jour et que tu comprendras la réalité des choses et ton aveuglement insensé, avant que ce ne soit trop tard.
En attendant, moi, depuis Israël, rassures-toi, en dépit de tout, je vais bien, je danse et JE VIS !
Ori Haaker-Chijner
Auteur de « Parce que c`est la vie ! Histoires de résiliences – Ed. Le Lys Bleu
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